Rencontre

Thierry Marx s’est prêté au jeu de nos questions, un régal !

Ecrit par Marie TERRY
le 31 janvier 2018

Au mois de janvier, Trucs De Nana aime rencontrer un homme pour qu'il devienne le mec du mois. Monsieur Thierry Marx a accepté d'endosser ce rôle pour notre plus grand plaisir. Une belle rencontre pour ce Chef Exécutif & Directeur de la Restauration au Mandarin Oriental, Paris dont les heures sont comptées. Même pas, si j'en crois la disponibilité qu'il a eue à mon égard.J'ose: ce moment a été un régal.

Il est toujours délicat de commencer l’interview d’un homme très connu du grand public et des médias mais mon approche était facile. Il vient d’être élu la personnalité la plus appréciée des français, un des hommes les plus sexys. Bref, les médias aiment parler de lui, lui prêtant des fiançailles éventuelles, un mariage, même des rumeurs de décès. On a ri de tout cela et on a parlé d’autre chose et croyez-moi, la teneur des propos était tout autre, pour mon grand plaisir. Monsieur Thierry Marx manie les mots, les citations et on est très vite sous le charme de ses paroles. C’était une discussion passionnante au cours de laquelle on a beaucoup échangé. Tout est à consommer sans modération.

Trucs De Nana: Monsieur Thierry Marx, vous faites beaucoup de choses dans votre vie, d’où vient cet appétit?

Thierry Marx:

Je ne fais pas tant de choses que cela. En fait, tout est dicté par le fait que j’aime la relation entre les individus. Pour moi, la cuisine est un lien social. J’ai choisi un parcours avec un projet et on m’a donné des cadres directionnels. J ‘ai trouvé toutes sortes d’outils dans ces cadres qui ont construit mon projet.

Quels étaient ces cadres qui ont déterminé votre projet ?

Je pourrais dire qu’il y en a eu 3 :

  • Le sport et surtout le judo, c’était le premier cadre éducatif que j’ai rencontré
  • Les compagnons du Devoir, j’y suis entré en 1978 et ai obtenu les CAP de pâtissier, chocolatier et glacier
  • L’Armée, à 19 ans, je m’y engage comme parachutiste dans l’infanterie de marine

Une fois les cadres donnés, comment s’est forgé concrètement votre projet avec cette belle  réussite qu’on vous connait

En une phrase, si j’écoute ma grand-mère, je lui disais, quand j’étais petit, que je voulais être cuisinier, pâtissier sur un bateau…

Sur un bateau, il y a un côté voyages et un côté décalé ?

Exactement. Je voyage beaucoup avec les nombreuses attaches que j’ai dans les différents pays (écoles, restaurants)  et j’ai eu, très vite, une vie décalée. Et j’aime particulièrement cette vie décalée, ne pas vivre au même rythme que les autres. Quand j’étais apprenti pâtissier, je me levais très tôt, vers 3 h du matin et j’appréciais de voir se lever le jour. Je me disais que je voyais les choses différemment. Je suis toujours dans cette vision de vie décalée. Cela me donne l’impression d’avoir une double vie,  de vivre pleinement et d’avoir une vie de liberté.

Votre vie actuelle est dans la suite « logique » de ces cadres ? Par exemple le sport, vous continuez ?

Je continue avec le judo que je pratique tous les matins. J’ai couru 17 marathons et dernièrement, un trial. Mais je vois maintenant le sport plus comme le fait d’entretenir son patrimoine, être plus dans le sport santé, maintenir le plaisir du sport, le bien être. Je me suis mis au yoga et tout ce qui est autour, comme la médiation, la respiration. Je regrette vraiment de n’avoir pas connu cette discipline plus tôt, cette fusion de corps et de l’esprit.

Votre formation aux Compagnons du Devoir vous a donné envie de transmettre ?

J’ai ouvert de nombreuses écoles, des formations diverses avec en effet, l’idée de transmettre ce que j’ai eu la chance de recevoir dans mon parcours. Si on devait résumer, il faut savoir faire faire et faire savoir.

Comment définissez-vous la cuisine?

La cuisine, ce n’est pas des recettes. Il faut aller plus loin et réapprendre les mots. On mange pour se restaurer.Il faut juste redonner du sens au mot restaurer: « Re » signifie qu’on voudrait être mieux après avoir pris un repas. Il faut donc apprendre à déjeuner ou dîner en pleine conscience. Il faut aller même jusqu’à se poser la question: Je mange parce que j’ai faim ou juste envie de manger? Il faut considérer ce que j’ingère. Ce qui amène à se poser la question, « qui veut-on être ? » Et on choisit sa nourriture en répondant à la question et en prenant son temps. C’est une question de spiritualité.

Avez-vous la peur de l’assiette blanche comme l’écrivain, la peur de la page blanche ?

Oui, bien sûr. Talleyrand dictait de faire jeuner les cuisiniers pour qu’ils manquent et que leur vienne l’inspiration. C’est une belle idée. En cuisine, il faut innover et non pas penser toujours créer. Car la création est une rupture. Alors que l’innovation part de l’observation et de la continuité des fondamentaux qu’il faut déjà comprendre.

En cuisine, dans quel ordre mettrez-vous le beau et le bon ?

Il n’y a pas de conflit sérieux entre le beau et le bon. Qu’est ce que le beau? Pour moi, c’est juste, la simplicité, l’épure et rien d’ostentatoire. En fait, il faut poser autrement la question et se dire: pourquoi c’est beau et non pas comment. En fait, c’est comme pour les personnes. Pourquoi on est séduit par ce visage, cette allure…? En tout cas, ce qui est beau est durable et non superficiel.

Associez-vous votre maman et votre grand-mère à des souvenirs en cuisine ?

Non, ma Madeleine de Proust est plus simple et brut, le pain. J’habitais à côté d’une grande boulangerie parisienne qui a été le déclic dans mes choix. Mais ma mère et ma grand-mère m’ont apporté autre chose.

Justement, quelles sont les femmes qui vous ont inspiré ?

J’ai été élevé par ces deux femmes remarquables, deux femmes fortes. Elles ont été mon inspiration et m’ont donné un outil que je n’oublie jamais : il faut être dur avec les faits et bienveillant avec les gens.

Elles avaient une force incroyable et ma mère l’a encore démontré dernièrement. Peu d’hommes m’ont donné cela même si j’ai pu rencontrer des hommes aussi extraordinaires comme Paul Bocuse ou des militaires comme le Général Bigeard. Il y a d’autres femmes qui m’ont marqué aussi comme Simone Veil, Véronique Coluchi qui sont de belles personnes. En fait, j’aime la discrétion et l’efficacité.

Vous parlez de Véronique Coluchi, la femme de Coluche ?

Oui, elle était dans son ombre et c’est cela que j’aime. Dans cette société où il faut paraitre, il est bien de se recentrer et de savoir juste être. Car il est triste que le paraitre passe devant l’être. On n’est trop dans une approche « cosmétologique » des personnes, on est attiré par le verni, l’enveloppe.

Donc, en tant qu’homme qualifié de sexy parmi 100 autres hommes,  vous n’avez pas peur de vieillir ?

Je ne me bats jamais sur ce qui est inévitable. En plus, je ne sais pas d’où sort ce classement ! Avant, on me disait que ma réussite n’était pas dû à mon physique… Parfois, on essaie de m’enjoliver avec des vêtements alors que j’aime porter les mêmes pulls. C’est drôle tout cela 🙂

On vous prête un repli des cuisines ?

Tant que la cuisine m’anime, je n’arrêterais pas. Je gère près de 600 personnes. Avant, la cuisine était une contrainte. Maintenant, plus du tout. Je suis plus dans le service et le lien client. Je choisis ce que je veux faire, cuisiner.

Quels aliments conseilleriez-vous pour un Objectif Super Nana : être Fit, Zen et Happy ? (un peu ciblée)

Personnellement, j’aurais inversé l’ordre et j’aurais mis Zen en tête des mots. Du Zen découle le reste, la santé et le bien-être. Pour être Zen, je proposerais un bol de légumes bien cuisinés et non pas juste cuits à l’eau. Les légumes contiennent déjà de l’eau. Je veillerais à une belle harmonie des couleurs.

Thierry Marx s’est prêté au jeu des questions flash.

  • Dans la vie, les femmes sont plus…?  Elles sont plus vraies, ce qui se traduit de multiples façons : elles disent plus facilement les choses, elles sont moins stratégiques et privilégient la relation humaine, elles ont plus de bienveillance, elles osent quitter leur zone de confort
  • Et en cuisine? C’est exactement la même chose. Je suis ravi de savoir que dans mon entreprise, j’ai 159 hommes et 150 femmes mais cela s’est fait naturellement. J’ai horreur des quotas, seule compte l’ employabilité.

Les hommes avec notre pseudo virilité, on n’est pas à la hauteur des femmes. Les femmes s’accaparent des métiers dits d’hommes comme le bâtiment et c’est bien.

  • Thé ou café ? Café le matin et thé l’après midi, vraiment après 12h. Je privilégie du thé fumé à base de sarrazin ou du thé toasté.
  • Calendrier oblige, un dîner pour la Saint Valentin ? Je cuisinerai des choses piquantes: un curry de légumes avec une sauce curry jaune ou vert et du riz à l’étouffé. Et bien sûr, un dessert, car il faut forcément du sucré. La Saint Valentin est obligatoirement sucrée mais pas obligatoirement fêtée dans un resto!  Cette fête manque de spontanéité. En fait, la « cérémonalisation » est dans l’idée de se retrouver quelque soit le contenu de l’assiette. Et il y a mil endroits de se retrouver. On est focus sur l’instant bonheur et non sur l’assiette. Personnellement, je vais au café Verlet déguster des cafés bourbons pointus.
  • Saint-Valentin toujours,  des produits qui « matchent » bien en cuisine ? On appelle cela du food pairing, je dirais : comté/ saké- roquefort/saké-concombre/chocolat mais attention de la cabosse de cacao. Même si cela se fait, je ne marierai pas les volailles ou le foie gras avec du chocolat car ce sont deux aliments gras à chaque fois.
  • Dans ma cuisine, que dois-je toujours avoir ? Des pommes de terre, du riz, des légumes et des fruits frais, du bon tofu, des petits  fromages frais et pour mon côté régressif, des boites de sardines, des boites de corned beef avec sauce tomate (cela me rappelle la gamelle de mon père) et des coquillettes.

Que diriez-vous aux nanas qui se lancent en cuisine ?

Les bases de la cuisine sont simples, il faut :

  • maitriser le temps
  • maitriser le feu (la cuisson)
  • maitriser le geste, qu’il soit utile

Que diriez-vous aux nanas en général ?

Croyez en vous, croyez en votre projet, et très important, lâcher la main du passé.

Quelle question auriez-vous aimé que je vous pose et que je ne vous ai pas posée ?

« Où serais-je dans 2 ans ? » J’avoue que je ne lui ai pas posée car on était déjà passés en 2050.

Thierry Marx : Très sérieusement vont se poser plein de questions et il va falloir innover. Qu ‘est ce qu’on va manger en 2050? On est déjà, en cette année 2018, en rupture de beaucoup de matières premières. Tous les produits demandent de l’eau, la viande, les volailles, les oeufs… Quid de l’eau? des ferments? On a besoin d’un cerveau collectif pour réfléchir à ces nouvelles problématiques, pour arriver à  rééquilibrer les ressources, à trouver des solutions.

On aurait pu parler de toutes les entreprises dans lesquelles on retrouve Monsieur Thierry Marx et elles sont nombreuses.  Le CFIC Orsay , une nouvelle école de cuisine, ses anciennes participations de Top Chef avec entre autres, Madame Hélène Darroze, une ouverture d’un restaurant d’hôpital à Lyon , une collaboration avec Detox Delight pour des produits gourmets de clean eating, sa participation pour Octobre Rose avec Ma Petite Culotte,

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Mais la discussion a été toute autre et c’est bien. De toute façon, les fils conducteurs sont toujours là, la bienveillance envers les personnes et le lien social.

C’est vraiment ce qui caractérise Monsieur Thierry Marx, Chef Exécutif & Directeur de la Restauration au Mandarin Oriental. On a aussi aimé son approche que l’humain a besoin de plaisir. En plus, un chef étoilé qui vous dit que le meilleur plat, c’est coquillettes avec des champignons de Paris ou truffes si on est riche, ne peut être qu’une personne simple qui va à l’essentiel, sans verni.

Un grand merci, Monsieur Thierry Marx pour votre disponibilité,  je me suis régalée à vous entendre.

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@crédit photo (portrait), Mathilde de l’Ecotais).

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