Rencontre avec Nicolas Garreau, organisateur de déclarations d’amour insolites

TDN : Bonjour Nicolas, pourriez-vous nous parler de votre entreprise ?

NG : Je suis spécialisé dans l’organisation de déclarations d’amour originales. J’aide les hommes à déclarer leur flamme de manière insolite, que ce soit pour une déclaration d’amour, un anniversaire de mariage mais surtout pour une demande en mariage. Je propose une trentaine de packages clés en main qui permettent aux hommes de sortir le grand jeu, de faire pleurer leurs chéries et d’obtenir le fameux OUI pour les demandes en mariage.

TDN : Comment vous est venue l’idée d’organiser des déclarations d’amour ?

NG : J’ai toujours été romantique. Dès l’école primaire, j’écrivais des messages à la craie au pied des immeubles où habitaient les filles qui me plaisaient. Au lycée, je cachais des bouquets de roses dans les casiers de certaines filles. J’étais un peu timide donc je ne laissais jamais mon nom. Ça ne risquait pas de focntionner. C’était plus pour la beauté du geste et pour voir la fille trouver les roses et le petit mot. J’ai toujours cherché à séduire les filles, à les épater avec des trucs complètement fous qu’aucun autre garçon ne pourrait faire. Par la suite, j’ai fait des études pour devenir ingénieur aéronautique, le job pas du tout romantique. Une fois mon diplôme obtenu, j’étais décidé à travailler en Formule 1. Puis j’ai eu un coup de foudre pour la création d’entreprise. Je me suis dit qu’il fallait que je monte ma start-up. En plus, je trouvais ça aberrant que des centaines de sociétés s’occupent de la rencontre, du mariage mais aucune de la déclaration d’amour. Donc j’ai fait une étude de marché. J’ai travaillé pendant deux ans avant d’ouvrir l’agence en janvier 2006. Pendant cette période, il a fallu créer le concept, rencontrer des prestataires, etc…

TDN : Concrètement, comment doit-on s’y prendre pour organiser une déclaration ?

NG : Tout d’abord, il faut aller sur le site, puis choisir son package. Il y en a à tous les prix. Ça commence à 290 euros. Dans celui-là, qui n’est pas vraiment fait pour une demande en mariage, on envoie un magicien à domicile qui se fait passer pour un livreur avec un faux-pli. Il fait semblant de se tromper de destinataire et tout d’un coup, le pli s’enflamme et une rose apparaît. La jeune femme comprend alors qu’il se passe quelque chose de particulier. Le magicien lui remet la rose et pour s’excuser du dérangement, il lui demande de choisir une carte dans son jeu. Sur celle qu’elle choisit, il y a le mot d’amour de son chéri. Autrement, on peut aller jusqu’à 15 900 euros. Là on vient chercher les amoureux à leur domicile avec une voiture de luxe et on les emmène dans un manoir pour un déjeuner privatif haut-de-gamme. Puis en plein déjeuner, ils voient quatre avions de voltige qui surgissent et qui commencent un show aérien, à la manière de la patrouille de France. A la fin, ils enclenchent leurs fumigènes et les quatre avions dessinent un immense cœur de fumée. C’est alors que le chéri peut faire sa demande en mariage. Tout est étudié pour que la déclaration d’amour soit la plus efficace possible et permette à la jeune femme de vivre un vrai conte de fée.

TDN : Où exercez-vous votre activité ?

NG : Les prestations ne sont réalisées qu’à Paris. Par contre, les amoureux viennent de tout l’hexagone et du monde entier pour déclarer leur flamme. J’ai eu des milliardaires russes et des acteurs américains comme clients. Paris reste une destination romantique phare. Les couples y viennent pour des séjours romantiques et beaucoup de personnes en profitent pour surprendre leurs moitiés de manière un peu insolite. Par exemple, dans l’un de mes scénarios, je propose un dîner sur un yacht privé qui s’arrête sous le pont des Arts au coucher du soleil. Tout d’un coup, quelques roses rouges tombent du ciel sur la tête des amoureux alors qu’ils sont seuls à l’avant du bateau avec le maître d’hôtel qui tient un parapluie transparent sur leurs têtes. En quelques minutes, ce sont mille roses rouges qui finissent par recouvrir la surface avant du bateau. Là, l’homme se met à genou comme un prince…

TDN : Pour que l’émotion soit au rendez-vous, vous devez bien connaître les femmes et leurs réactions ?

NG : J’ai travaillé, les premiers mois notamment, avec des psychosociologues puisque ma profession n’existait pas. J’ai réfléchi avec eux à la manière de créer un pic d’émotion. On a conclu qu’il fallait passer par trois étapes. Il y a une première étape « suspense ». L’objectif est de créer de l’appréhension chez la jeune femme, par exemple, en venant la chercher à l’improviste sur son lieu de travail avec une Rolls. Elle doit se poser des questions. La deuxième étape est la surprise romantique en elle-même. Ça peut être un dîner sur un petit bateau. La demoiselle découvre la surprise qui lui a été réservée et elle est alors soulagée. Le fait qu’elle soit relâchée fait que son cœur est disponible pour une vraie déclaration d’amour. Elle se sent dans un état second. Il y a un certain timing : au bout de x minutes, on sait que la personne se sent le mieux pour écouter la déclaration. Il ne faut pas attendre la fin de soirée à cause de la fatigue et des coupes de champagne. Par exemple, pour le bateau, les amoureux se sentent le mieux au bout de 35 minutes. C’est alors que la troisième surprise, qui est la déclaration, intervient. C’est le secret : la déclaration d’amour en trois étapes. Suspense, romantisme et apothéose.

TDN : D’où vient votre inspiration ?

NG : Je me demande souvent ce que je ferais pour séduire telle fille. Bien sûr pour faire ça, il faut être très amoureux et attentionné soi-même. Ce sont les femmes qui m’inspirent. C’est pour ça qu’il y a quelques mois, j’ai créé une prestation qui s’appelle « dites-lui je t’aime dans l’espace ». La déclaration d’amour est envoyée dans la stratosphère. On utilise le même système que celui de Felix Baumgartner. Le ballon emmène un mot d’amour avec une photo et tout est filmé. A la fin, le ballon explose et revient sur terre en parachute. Grâce au GPS, on récupère le système, puis on fait un montage. On immortalise le fait que le message soit allé dans la stratosphère. On dit souvent qu’on voudrait décrocher le ciel, et bien moi, j’ai voulu aller au-delà. J’ai aussi rencontré un grand chocolatier qui est capable de faire de magnifiques souliers en chocolat. Je connaissais aussi quelqu’un qui avait fait venir en France le carrosse de Cendrillon et j’ai allié les deux dans un scénario : les amoureux arrivent place Vendôme et ils trouvent le carrosse de Cendrillon illuminé. Quand ils s’approchent, le cocher remet au jeune homme un coffret avec le soulier en chocolat. Celui-ci vérifie que la taille est la bonne et confirme alors sa princesse. Ils montent alors à bord du carrosse avec une coupe de champagne, des macarons et un bouquet de fleur. Ils partent pour une heure de balade dans les beaux quartiers. Ça se termine à la Tour Eiffel où un bateau les attend pour un dîner de croisière de trois heures.

TDN : Pendant les déclarations, est-ce que vous restez en coulisse pour vous assurer que tout se passe bien ?

NG: Plus maintenant. Les premiers temps, j’étais là parce que c’était des premières pour moi. Mais c’est trop émouvant. A chaque fois, c’est comme un film. Je me disais toujours « je n’ai pas pu organiser ça ». Je n’y vais plus parce que c’est lourd émotionnellement. Puis je gère souvent plusieurs prestations en même temps, donc je ne peux pas être partout. Je sais que tous mes prestataires savent travailler ensemble, à la minute près. Tout est chronométré.

TDN : On peut dire que vous êtes un Hitch de la déclaration d’amour ?

NG : Je ne sais pas si on peut m’appeler comme ça, mais oui je suis en retrait et je m’assure que la jeune femme ne voit pas qu’il y a quelqu’un derrière qui a tout préparé. Elles doivent être dans leur conte de fée. Les chéries ne savent jamais que leur homme a fait appel à une agence spécialisée. Elles pensent qu’ils ont tout organisé tout seul, comme le fait de privatiser les quais de Seine aux pieds de la Tour Eiffel pour montrer leur amour. Tout le côté package est invisible.

TDN : Déplorez-vous le fait que les hommes d’aujourd’hui ne soient pas assez romantiques ?

NG : Malheureusement pour les femmes, c’est vrai qu’il y a très peu d’hommes romantiques. C’est d’ailleurs pour ça que 80% des femmes déclarent avoir été déçues par leur demande en mariage et que celles qui vivent mes expériences se sentent privilégiées. Les hommes ne sont pas assez romantiques et les femmes s’en plaignent. Les demandes en mariage sont souvent faites dans la salle de bain ou au lit. Les hormones… Rires. Dans ces cas-là, c’est le rêve du prince charmant qui s’effondre parce que depuis la petite enfance, avec les traditions, les contes de fée et les déguisements de princesse, les femmes attendent leur prince. Ce rêve se concrétise le jour de la demande en mariage. Le mythe s’effondre ce qui est d’autant plus dommage que ça ne se produit qu’une fois dans la vie dans la plupart des cas. C’est une étape fondamentale qui est souvent négligée par les hommes.

TDN : Donnez-nous un exemple de déclaration ratée…

NG : Les possibilités de rater sa demande sont infinies. La plupart des hommes ne se prennent pas trop la tête. Ils vont au restaurant et s’habillent bien ce jour-là. La jeune femme se doute alors de ce qui va se passer. L’homme cache la bague soit dans une coupe de champagne, soit dans un gâteau. Sur la bague cachée dans le verre de champagne, une étude a été faite en Belgique qui montre que dans un cas sur cinq, la femme avale la bague. C’est horrible et décevant. Pour la bague cachée dans le gâteau, au cinéma c’est super, mais en vrai, la fille fait une grimace en la sentant dans sa bouche. En plus, il y a toujours le petit fil de salive entre la bague et la bouche et la farine ou le chocolat restent aussi collés à la bague. Ça n’a rien de romantique.