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Violences conjugales : une vérité qui blesse

Ecrit par Justine Andanson
le 1 novembre 2007

« En France, une femme décède tous les 3 jours des suites de violences conjugales » Cette donnée est accablante et pourrait paraître presque irréelle mais elle reflète malheureusement une triste réalité : celle de la femme humiliée, battue, insultée au quotidien, et ce, par la personne en qui elle plaçait toute sa confiance et […]

« En France, une femme décède tous les 3 jours des suites de violences conjugales » Cette donnée est accablante et pourrait paraître presque irréelle mais elle reflète malheureusement une triste réalité : celle de la femme humiliée, battue, insultée au quotidien, et ce, par la personne en qui elle plaçait toute sa confiance et ses espérances, son conjoint. La délégation aux victimes rattachée à la Direction Générale de la Police Nationale indique 168 homicides entre conjoints pour 2006 (+ de 82% de femmes) ce qui en fait désormais un « véritable problème de santé publique » De plus, la violence domestique est un sujet qui anime l’actualité de ces derniers jours : nous ne pouvons nous empêcher de penser aux interventions médiatiques de Nadine Trintignant suite à la libération conditionnelle de Bertrand Cantat et au rôle poignant tenu par Marina Foïs dans le long-métrage« Darling » (adaptation du roman de Jean Teulé signée Christine Carrière) sorti mercredi dernier. Ce lundi encore, on pouvait également suivre sur France 2 l’émission « Toute une histoire » sur le thème : « Viol conjugal : l’amour sans consentement ».
Cependant, malgré cette apparente mise en lumière, ce sujet reste encore tabou et la loi du silence y est reine : bien que le nombre de dépôt de plainte ait augmenté ces dernières années, ce ne serait qu’une partie émergée de l’iceberg selon le Ministère de la Santé. En outre, les mentalités ne reconnaissent encore que difficilement les violences conjugales et les victimes ne font encore que trop rarement confiance au système judiciaire. Il s’agit d’un mal insidieux qui sévit partout, à tous niveaux et dont personne n’est à l’abri : on estime qu’une femme sur 5 sera victime de la violence de son compagnon dans sa vie… Alors, pourquoi reste-t-on ? Quel public cela concerne-t-il ? Comment se reconstruit-on après ? Pour nous aider à répondre à ces questions, nous remercions vivement « Jeanne » qui a eu la gentillesse de nous apporter son témoignage et de nous faire partager sa douloureuse expérience. Nous remercions également l’association SosFemmes pour ses conseils précieux qui nous permettent de mieux connaître l’étendue de ce fléau.
Il n’existe pas de portait type de la femme victime de violences conjugales pas plus du reste que des auteurs des violences : la violence conjugale se rencontre dans tous les groupes sociaux, culturels et économiques, dans tous les milieux (urbain ou rural) et dans toutes les tranches d’âge. Les contextes éducatif, religieux et ethnique restent également indépendants. Toutes les catégories socio-professionnelles sont donc concernées. D’ailleurs, la majorité des victimes a une activité professionnelle et perçoit un revenu personnel. Dans le cas de Jeanne, le père de ses enfants « était un artiste d’origine guyanaise et rasta » alors qu’elle « avait un poste de cadre dans une grosse entreprise internationale, complètement à l’opposé » et même si « pendant ces presque 2 ans, la vie n’avait pas toujours été facile : nos différences de culture, de niveau social, de caractère… tout ça ne facilitait pas notre vie de couple», elle a voulu y croire comme dans de nombreuses autres histoires de couple.
En ce qui concerne le pourquoi et le comment, Jeanne nous rapporte que : « dès la naissance de notre enfant, les choses ont commencé à mal aller. Très vite, il s’est mis à abuser de l’alcool et de la drogue. Il buvait et fumait déjà avant, mais jamais en ma présence… Là, il se lâchait ! Puis rapidement, face à mes critiques, les coups se sont mis à tomber ! C’était sa façon de me dominer, de me soumettre ! La peur s’est très vite introduite dans ma vie. Je ne dormais plus et j’épiais les bruits de la nuit : le bruit de la clé dans la serrure et ses pas dans le couloir m’annonçaient une nuit de violence à tous les coups ! ».
Selon une enquête du Centre National d’Information du Droit des Femmes du mois de mars 2000, les principales raisons données à la violence du conjoint sont la volonté d’imposer son autorité (62,7 %), l’alcoolisme (54,3 %), et le fait qu’il ait été lui-même maltraité durant son enfance (46,6 %). On retrouve aussi souvent l’incapacité, pour la personne violente, à formuler verbalement ce qu’elle ressent, ou encore des pathologies dépressives déclarées ou latentes. Néanmoins, les hommes violents, même s’il sont souvent des hommes « ordinaires », ont une conception rigide des rôles masculins et féminins.
Pour Jeanne, les violences ont été multiples, et ce même pendant sa seconde grossesse : « très vite, en raison de ses violences sexuelles répétées, je me suis retrouvée à nouveau enceinte. Un petit garçon, la grossesse s’est très mal passée. Les coups répétés, la violence, les humiliations… j’étais épuisée ! ». La violence au sein du couple peut se manifester de différentes manières : atteinte dans son intégrité physique, verbale, sexuelle, économique, sociale, psychologique… et ses conséquences sont toujours dramatiques : de nombreuses femmes victimes souffrent de graves troubles émotionnels (dépression, boulimie, anorexie…) et certaines, à bout de nerfs, vont jusqu’au suicide. Il faut savoir que cette violence évolue à travers des cycles dont l’intensité et la fréquence se développent avec le temps : elle débute souvent avec des agressions psychologiques (dénigrement de la femme) laissant s’installer la violence verbale qui est l’étape précédant la violence physique.
Mais alors, pourquoi se taire ? Tout simplement parce qu’encore aujourd’hui en France, être une femme battue reste un sujet tabou. Pour Jeanne les choses étaient claires : « je n’ai jamais osé partir à cause de notre fille. Je ne voulais pas la priver de son père… je me sentais coupable…aussi… coupable de résister, de répondre, de ne pas me laisser faire… ». Elle a donc supporté les coups par sentiment de culpabilité, de honte et surtout par désir du maintien de l’unité familiale : comme la majorité des victimes qui restent. Très souvent, elles gardent également l’espoir d’une modification possible des comportements du conjoint. Dans d’autres cas, on ne part pas à cause de la peur de l’isolement et des représailles et du manque de soutien de l’entourage.
Après une énième agression mettant en péril sa vie et celle de sa petite fille, Jeanne s’est dit qu’il fallait partir : « ce que j’ai fait quelques semaines plus tard en abandonnant tout : mon travail, ma maison, mes amis, mes meubles, ma vie ! ». Six ans de galère ont suivi : « six ans durant lesquels il m’a harcelée, menacée ! J’ai vécu cachée avec mes enfants… ». Après que Jeanne l’ait localisé et dénoncé à la police, son ex-mari s’enfuit en Guyane où il décèdera de « 3 coups de couteau frappés par son propre frère lors d’une dispute bien arrosée ». Après « des rêves peuplés de cauchemars » et « la culpabilité » d’avoir en quelque sorte « privé » ses enfants de leur père, Jeanne conclu aujourd’hui : « tout va bien maintenant, j’ai fait mon deuil… et mes enfants aussi ». Ainsi, lorsque les choses ne sont plus tenables ou que la vie des enfants est menacée, la fuite devient la seule solution mais reste très difficile à mettre en pratique. En outre, il faut savoir que beaucoup de femmes qui s’enfuient reviennent (pour les enfants, par amour ou par besoin), ce retour n’est cependant pas un échec, mais fait partie du cycle de détachement à l’emprise et à la dépendance du conjoint. Comme nous venons de le voir avec Jeanne, les femmes qui partent perdent généralement « tout ». Suite à cette descente aux enfers, les reconstructions psychologique, sociale et physique seront très longues…
Pour que la petite ritournelle « je t’aime, un peu, beaucoup, passionnément…» continue à effeuiller les pétales de l’amour et non pas celles de la vie d’une femme en se terminant par un « à la folie » meurtrier, nous insistons sur le fait qu’il faut « parler ou faire parler avant de ne plus pouvoir le faire ». Le personnel médical indique que les victimes sont très souvent susceptibles de révéler l’existence de la violence si on les interroge de manière indirecte à ce propos. Alors, si vous connaissez des gens de votre entourage susceptibles d’être en souffrance, n’hésitez surtout pas à aller vers elles et à leur offrir votre aide. Consulter les associations et les services spécialisés ou vous confier à vos proches peut également vous aider que vous vous sentiez concernées directement ou non.
Cependant, il faut se dire que malgré toutes ces souffrances, il peut y avoir une vie après, que l’on peut refaire sa vie même si c’est très difficile. Naturellement, la majorité des anciennes victimes hésitent ou ne peuvent tout simplement pas démarrer une nouvelle relation. Seul le temps effacera ou plutôt atténuera leurs blessures… Enfin, gardons en tête que les hommes ne sont pas, fort heureusement, tous des monstres et qu’une belle histoire à deux est toujours possible.

Par Ariane-Isabeau Noël

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