Qu’est-ce que le gaslighting ? Votre patron, votre ex, votre ami.e aurait-il ce comportement abusif avec vous ?
Ecrit par Nellyle 19 septembre 2024
Il y a des moments dans la vie où quelque chose cloche, où vous commencez à douter de vos propres souvenirs, de vos perceptions, voire même de votre santé mentale. Vous savez que vous avez dit ou fait quelque chose, mais l’autre personne vous assure que ce n’est jamais arrivé. Ou peut-être que c’est le […]
Il y a des moments dans la vie où quelque chose cloche, où vous commencez à douter de vos propres souvenirs, de vos perceptions, voire même de votre santé mentale. Vous savez que vous avez dit ou fait quelque chose, mais l’autre personne vous assure que ce n’est jamais arrivé. Ou peut-être que c’est le contraire : vous êtes sûr·e de ne pas avoir fait ou dit une chose, mais l’autre vous convainc du contraire. C’est là que le terme « gaslighting » entre en jeu. C’est un mot que l’on entend de plus en plus ces derniers temps, que ce soit dans les conversations entre amis, sur les réseaux sociaux ou même au bureau. Mais qu’est-ce que c’est, et comment savoir si vous en êtes victime ? Allons explorer les méandres de ce comportement toxique.
L’origine du gaslighting : un terme tiré du cinéma des années 40
Si le terme « gaslighting » semble sortir tout droit d’un thriller psychologique, c’est parce que, en quelque sorte, c’est le cas. Il tire son origine d’un film des années 1940, Gaslight – avec Ingrid Bergman- où un mari manipule sa femme au point de la faire douter de sa propre réalité. L’objectif ? La rendre confuse, la déstabiliser, et prendre le contrôle de ses pensées et de ses émotions. Au fur et à mesure du film, il réduit progressivement l’éclairage au gaz de la maison (d’où le terme), tout en affirmant à sa femme que rien n’a changé, qu’elle doit simplement perdre la tête.
Aujourd’hui, le gaslighting est devenu un terme psychologique pour décrire un type de manipulation émotionnelle pernicieuse. Ce n’est plus juste une stratégie obscure dans un vieux film noir, mais un comportement que l’on peut observer dans des relations amoureuses, au travail, et même dans des amitiés. Ce type d’abus psychologique n’est pas toujours facile à repérer, car il se produit de manière insidieuse, souvent au fil du temps. Les victimes finissent par douter d’elles-mêmes, se demandant si elles ne sont pas trop sensibles, trop émotives, ou si elles ont simplement une mémoire défaillante.
Comment le gaslighting se manifeste-t-il ? Tactique et signes
Le gaslighting ne se limite pas à une simple dispute ou à des désaccords. C’est une forme d’abus émotionnel qui vise à prendre le contrôle de l’autre personne en la poussant à remettre en question sa propre réalité. Le gaslighter utilise des tactiques de déni, de distorsion et de minimisation.
Voici un exemple classique : vous exprimez votre désaccord sur un comportement inapproprié, mais au lieu de recevoir une réponse honnête ou un dialogue constructif, la personne vous accuse d’être « trop sensible » ou « paranoïaque ».
Vous commencez à vous demander si c’est vraiment vous le problème.
Mais le gaslighting ne s’arrête pas là. Cela peut aussi inclure des dénégations catégoriques d’événements réels, même face à des preuves concrètes. Votre patron, par exemple, vous promet une promotion après un projet réussi. Mais quand vient le moment, il prétend ne jamais avoir dit cela. Vous doutez de vous, peut-être avez-vous mal entendu ? Vous commencez à douter de votre mémoire et vous vous sentez progressivement de moins en moins sûr·e de vous.
Autre tactique courante du gaslighting : la projection. Le gaslighter vous accuse de faire ce qu’il ou elle fait. C’est comme si vous viviez dans un épisode de Black Mirror, où la réalité se retourne contre vous. Si vous dites que vous vous sentez manipulé·e, la personne va immédiatement renverser la situation et affirmer que c’est en fait vous qui manipulez. C’est un tour de passe-passe psychologique qui vous laisse souvent déconcerté·e et épuisé·e.
Gaslighting : une stratégie de contrôle
Il faut bien comprendre que le gaslighting n’est pas une simple mauvaise communication. Il ne s’agit pas d’une confusion mutuelle ou d’un malentendu. C’est une stratégie délibérée qui vise à prendre le contrôle sur une autre personne. Le gaslighter cherche à affaiblir la victime sur le plan émotionnel et psychologique pour que celle-ci devienne plus dépendante de lui/elle. C’est une dynamique de pouvoir.
Une personne dans une position de contrôle utilise le doute, la confusion et l’insécurité pour maintenir cette position.
C’est souvent pour cela que les gaslighters sont des personnes charismatiques ou dotées d’une certaine autorité, comme des patrons, des partenaires amoureux, ou même des amis proches. Ils savent manipuler les autres avec subtilité et précision, en utilisant des paroles douces ou flatteuses pour adoucir les coups émotionnels qu’ils infligent. À la surface, ils peuvent sembler aimants et attentionnés, mais sous cette façade se cache une manipulation froide et calculée. Ce n’est donc pas une simple querelle d’amoureux ou un chef de projet un peu exigeant – c’est un comportement intentionnel visant à contrôler.
Les impacts du gaslighting sur la victime
Les victimes de gaslighting finissent souvent par se sentir désorientées et isolées. Elles peuvent perdre confiance en elles, se demander si elles ne sont pas vraiment « trop sensibles » ou « folles », comme leur agresseur le leur répète. Ce doute constant devient une spirale descendante où la victime se tourne de plus en plus vers le gaslighter pour obtenir une validation ou une version « réelle » des événements.
Attention car au final, le gaslighting peut avoir des conséquences psychologiques profondes. L’estime de soi est sévèrement érodée, et la personne peut même développer des troubles anxieux ou dépressifs. La confusion mentale, le sentiment de perte d’identité et l’incapacité à prendre des décisions de manière autonome sont courants. Cela s’accompagne souvent d’un isolement social, car la victime se referme sur elle-même, ayant perdu confiance en ses propres perceptions.
Comment savoir si vous êtes victime de gaslighting ?
Se rendre compte que l’on est victime de gaslighting n’est pas toujours évident. Il faut du temps pour reconnaître que quelque chose ne va pas. Cependant, il y a des signes avant-coureurs que vous pouvez repérer.
Si vous avez l’impression de toujours vous excuser sans raison valable, si vous remettez constamment en question votre propre mémoire ou vos perceptions, ou si vous vous sentez constamment confus·e après une interaction avec une personne en particulier, c’est peut-être un signe.
Posez-vous la question : est-ce que cette personne vous fait douter de vous-même ? Est-ce que vous vous sentez diminué·e, moins confiant·e, après chaque conversation ?
Prenez également en compte le comportement de la personne en face de vous. Est-ce que cette personne refuse d’admettre ses erreurs, même face à des preuves ? Est-ce qu’elle minimise constamment vos émotions en les qualifiant de « trop » ou « exagérées » ? Ces comportements sont des indicateurs d’une manipulation émotionnelle en cours.
Comment se protéger du gaslighter ?
La première étape pour se protéger du gaslighting est de prendre conscience de ce qui se passe. Cela peut être un processus douloureux, mais il est essentiel de reconnaître que vous êtes manipulé·e. Prenez du recul par rapport à la situation et essayez de parler à des personnes de confiance de ce que vous vivez. Parfois, un regard extérieur peut aider à clarifier les choses.
Il peut aussi être utile de tenir un journal où vous consignez les conversations et événements importants. Cela peut vous aider à retrouver une certaine clarté et à voir les incohérences dans les propos du gaslighter. Enfin, posez des limites claires avec cette personne et, si possible, envisagez de vous éloigner d’elle. Le gaslighting est une forme d’abus, et comme pour tout abus, vous méritez de vous protéger.
Est-ce que le gaslighter sait qu’il en est un ? Ou fait-il cela malgré lui ?
C’est une question essentielle : le gaslighter est-il conscient de sa manipulation ou agit-il inconsciemment ? La réponse n’est pas toujours simple, car cela dépend des individus et des situations. Certains gaslighters sont pleinement conscients de ce qu’ils font. Pour eux, c’est un moyen délibéré de prendre le contrôle, d’obtenir un avantage émotionnel, ou de protéger leur ego. Ils utilisent le gaslighting comme une arme psychologique pour renforcer leur position de pouvoir dans une relation, que ce soit au travail, en amitié, ou en amour. Ces personnes manipulent intentionnellement, sachant très bien que leurs actions déstabilisent leur victime.
Cependant, tous les gaslighters ne sont pas aussi conscients de leur comportement. Parfois, il s’agit de mécanismes de défense ancrés, développés pour éviter de faire face à leurs propres insécurités ou à leur culpabilité. Ces individus peuvent, sans s’en rendre compte, manipuler l’autre pour se sentir mieux ou éviter des confrontations inconfortables. Ils déforment la réalité non pas pour blesser délibérément, mais parce qu’ils ne savent pas comment gérer leurs propres émotions ou responsabilités. Cela ne rend pas le gaslighting moins toxique, mais il est important de comprendre que la conscience du comportement peut varier.
Les phrases clés du gaslighter : comment les reconnaître et y répondre
Le gaslighting repose souvent sur des phrases spécifiques qui visent à vous déstabiliser et à semer le doute. Voici quelques exemples classiques de ce que vous pourriez entendre de la part d’un gaslighter, et quelques conseils sur la manière d’y répondre :
- « Tu es trop sensible ! »
Cette phrase vise à minimiser vos émotions et à vous faire croire que vous réagissez de manière disproportionnée. Comment y répondre ? Il est important de ne pas se laisser emporter par la provocation. Au lieu de cela, affirmez calmement votre droit à ressentir ce que vous ressentez : « Mes émotions sont valides, et elles méritent d’être entendues. » - « Tu te fais des idées. »
C’est une tentative claire de vous faire douter de votre perception de la réalité. La meilleure réponse ? Reprenez confiance en vos propres souvenirs et perceptions : « Non, je me souviens clairement de ce qui s’est passé. » - « C’est toi qui es en train de me manipuler ! »
Le gaslighter renverse la situation en vous accusant de faire exactement ce qu’il/elle fait. Dans ce cas, il est souvent plus efficace de ne pas entrer dans une joute verbale. Il est possible de dire : « Je ne vais pas discuter de ça, mais je sais ce que je ressens et je sais ce qui est réel. » - « Personne d’autre ne réagirait comme toi. »
Ici, la personne essaie de vous isoler et de vous faire croire que vous êtes seul·e à ressentir les choses ainsi. Vous pouvez rétorquer : « Ça ne veut pas dire que ce que je ressens est faux ou exagéré. » - « Je plaisantais, tu n’as vraiment pas d’humour. »
Cette phrase est un classique pour désarmer la victime et lui faire croire qu’elle réagit de manière excessive. Vous pouvez simplement répondre : « Je sais reconnaître une blague, mais ça n’en était pas une pour moi. » - « Tu déformes toujours tout. »
Le but ici est de vous faire passer pour une personne irrationnelle qui change les faits. Là encore, recentrez-vous sur la réalité : « Je ne déforme pas ce qui s’est passé, je me base sur des faits. »
Faut-il répondre ?
Face à un gaslighter, il est essentiel de savoir quand répondre et quand éviter d’entrer dans le jeu de la manipulation. Répondre peut parfois vous aider à affirmer vos limites et à reprendre du contrôle sur la situation, mais il est aussi crucial de savoir quand vous retirer. Les gaslighters sont souvent très habiles pour retourner les situations et faire en sorte que toute confrontation vous déstabilise encore plus.
Voici quelques conseils :
- Évaluez l’intention. Si vous sentez que la personne est dans une démarche d’échange constructif, essayez de répondre en affirmant calmement vos perceptions et vos émotions.
- Ne vous justifiez pas trop. Plus vous vous justifiez, plus vous donnez de prise à la manipulation. Restez bref·ve, et affirmez ce que vous ressentez sans entrer dans des explications trop détaillées.
- Sachez quand vous retirer. Dans certaines situations, la meilleure réponse est de ne pas entrer dans le jeu. Si le gaslighting est trop évident ou répétitif, parfois la seule option est de mettre une distance émotionnelle, voire physique, avec la personne.
Le gaslighting est une forme insidieuse de manipulation émotionnelle qui peut laisser des cicatrices profondes. Mais il est important de se rappeler que vous n’êtes pas « fou·foll·e », ni trop sensible, et encore moins incapable. Vous avez le droit de ressentir ce que vous ressentez et de percevoir la réalité telle qu’elle est. Si vous pensez être victime de gaslighting, il est crucial de rechercher de l’aide, que ce soit auprès de proches ou de professionnels. Votre réalité, vos perceptions, vos émotions sont valides – ne laissez personne vous faire croire le contraire.